CHAMBRE (MUSIQUE DE)

CHAMBRE (MUSIQUE DE)
CHAMBRE (MUSIQUE DE)

CHAMBRE MUSIQUE DE

Au sens moderne, terme général s’appliquant à des compositions pour un petit nombre d’instruments solistes. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, avant l’apparition des concerts publics, le terme désigne une musique destinée à être jouée chez un particulier, fût-ce un roi, par opposition à la musique d’église et à la musique de théâtre (Louis XIV crée la charge de maître de la Musique de la Chambre du roy). La musique «de chambre» est alors instrumentale ou vocale, et elle est écrite soit pour solistes, soit pour de nombreux effectifs; mécènes et interprètes amateurs jouent dans son processus de production un rôle important. Au milieu du XVIIIe siècle, la distinction entre musique de chambre, au sens moderne, et musique d’orchestre est encore assez floue (quatuors pour orchestre de Johann Stamitz). Elle devient nette vers 1770, époque à partir de laquelle Haydn et Mozart écrivent consciemment des symphonies pour orchestre jouées en public par des professionnels, d’une part, et des quatuors à cordes conçus essentiellement à l’usage des amateurs, d’autre part. Paradoxalement, les seconds ne le cèdent pas aux premières en complexité, bien au contraire. Et la dédicace par Mozart, en 1785, de six de ses plus grands quatuors à un autre compositeur (Haydn), puis la fondation des premiers «quatuors» de professionnels (Schuppanzigh) témoignent en la matière de la revanche définitive aussi bien du créateur sur l’interprète amateur que de la salle de concert sur les intérieurs privés. La situation restera sensiblement la même tout au long du XIXe siècle: production abondante, avec les duos, trios, quatuors, quintettes, sextuors, septuors, octuors et nonettes de Beethoven, Schubert, Spohr, Weber, Mendelssohn, Schumann, Brahms, Smetana, Dvo face="EU Caron" シák, Tchaïkovski, Saint-Saëns, César Franck et de bien d’autres; exécution de cette musique aussi bien au concert (phénomène de la «petite salle») que chez soi; frontières en principe bien tracées entre musique de chambre et musique d’orchestre, en fait parfois assez peu étanches (orchestration «musique de chambre» de la IVe Symphonie de Brahms et sonorités «orchestrales» de ses sonates pour piano; souvent, chez ceux qui adoptent les deux tendances, les audaces harmoniques et formelles sont plus grandes encore dans la musique de chambre, dans les quatuors de Beethoven, par exemple, que dans la symphonie); typologie particulière de l’auditeur (pour ne pas parler de l’interprète amateur) de musique de chambre, en général plus compétent techniquement que l’habitué des concerts. Enfin, aux alentours de 1900, se produit un nouvel éclatement: Mahler a tendance à traiter en soliste chaque membre d’un orchestre aux effectifs pourtant très nombreux; Schoenberg, avec La Nuit transfigurée (Verklärte Nacht , 1899), fait relever la musique de chambre (il s’agit d’un sextuor à cordes) du poème symphonique, avant de faire scandale avec ses quatuors à cordes no 1, opus 7 (1904-1905) et no 2, avec voix, opus 10 (1907-1908) — points de départ de la musique du XXe siècle — et sa Symphonie de chambre noo 1 opus 9 (1906), au titre symbolique: avec cette dernière (15 instruments solistes), la musique de chambre lâche définitivement les amateurs et les intérieurs privés tout en rejoignant l’orchestre sur un terrain nouveau. Il y a bien au même moment les quatuors de Debussy et de Ravel; il y aura ceux de Bartók et de Berg, le Livre de Boulez et Archipel II de Boucourechliev: le début du XXe siècle n’en voit pas moins se poursuivre la tendance, déjà assez nette dans les deux derniers tiers du XIXe, à la disparition du quatuor à cordes comme centre de gravité de la musique de chambre, cela malgré tout son prestige. La tendance s’est cependant inversée et de nombreux compositeurs des dernières décennies du XXe siècle ont repris goût à l’écriture d’une musique de chambre. Qu’il suffise de citer Cage, Carter, Feldman, Ferneyhough, Ligeti, Kurtág, Nono, Radulescu, Scelsi, Xenakis, Lachenmann...

Encyclopédie Universelle. 2012.

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